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Transition énergétique

Énergies marines : avec vents et marées !

Territoires majeurs de la transition énergétique, les littoraux sont un des atouts de la France dans la production d’énergies marines renouvelables. Éoliennes en mer, hydroliennes… en attendant la réalisation des premiers projets, les filières émergent et se structurent. Mais des obstacles handicapent encore leur développement. À contre-courant, la France doit désormais multiplier par dix sa puissance installée d’ici 2023.

Certes, la volonté existe. Les pouvoirs publics en ont fait la démonstration ces dernières années. Pour soutenir le développement des énergies marines, des efforts ont été faits. Mise en place de tarifs d’achats, structuration des appels d’offres, assistance de l’ADEME[1], soutien des régions envers les entreprises ont permis à la filière et à ses différents acteurs de gagner en importance. Mais avec plus de 4 500 km de côtes, la France n’a pas une seule éolienne au large. Pas encore.

Du vent dans les pales

À force de sonner le tocsin sur l’avenir de l’éolien offshore, élus locaux et industriels ont finalement été entendus. Les six projets déjà attribués sous la précédente mandature ont été récemment confirmés par Emmanuel Macron. Entre temps, l’état a renégocié à la baisse les subventions et les prix de rachat de l’électricité. À 150 € le MWh, les éoliennes en mer ne sont pas encore compétitives face aux EnR[1] terrestres, mais elles s’approchent des prix des réacteurs EPR[2] en construction au Royaume-Uni (105 €). Situés sur les façades Manche et Atlantique, les six projets représentent 3 000 MW de puissance installée, soit juste assez pour répondre aux objectifs fixés aux EMR pour 2023. Seront-ils en service à cette date ? Rien n’est moins sûr.

Acceptabilité sociale

En Manche comme sur la façade Atlantique, de nombreux recours administratifs sont déposés. Soucieux de leur ligne d’horizon ou encore des impacts sur le secteur de la pêche, les opposants freinent considérablement l’avancée des projets. En méditerranée, la situation est tout autre. Trois parcs éoliens flottants sont prévus. Mais il s’agit d’éoliennes flottantes, technologie émergente, permettant notamment de limiter l’impact visuel et environnemental. À ce jour, l’acceptabilité des projets d’éoliens flottants est en bonne voie. Ainsi, sur le projet Eolmed, le travail de concertation associé à un financement participatif pour l’étude de gisement de vents ont permis de fédérer populations et professionnels de la mer de Gruissan et Port-la-nouvelle.

Être au courant

Si le vent reste plus favorable au large que sur terre, l’hydrolien profite aussi d’une belle énergie propre aux courants marins et fluviaux. Technologie en plein essor, son développement suscite beaucoup d’intérêt. Mais comme toute filière émergente, elle connait de nombreux rebondissements. Le dernier en date : le retrait de Naval Energie[3]. Dans le sillage de Siemens et Total, le groupe quitte le navire un mois après l’inauguration de son usine de fabrication à Cherbourg. L’abandon successif de projets au large du Cotentin, associé à la décision du ministère de Nicolas Hulot de lancer une nouvelle étude sur le potentiel de l’hydrolien a fini de convaincre Naval Group de jeter l’éponge. Néanmoins, la filière reste active. Les turbines de Sabella sont en test à Fromveur-Ouessan et celles d’Hydroquest le seront début 2019 à Paimpol-Bréhat.

Montante et descendante

Les turbines sont aussi au centre d’une technologie qui cette fois a déjà fait ses preuves : l’énergie marémotrice. Le barrage de la Rance en fait la démonstration depuis 1966. Sa puissance de 240 MW couvre les besoins de 225 000 habitants. S’il en existe peu dans le monde, beaucoup de projets sont à l’étude. Parmi eux, la centrale marémotrice de Tidal Lagoon Power. Il s’agit de construire un lagon artificiel dans la baie de Swansea à 60 km de Cardiff. Par le flux et reflux des marées quotidiennes, un système d’écluses alimente des turbines durant 14 heures par jour. Seul le coût du projet, 1,3 milliard £, est un handicap. Si l’état britannique a retiré son soutien financier, une étude récente commandée par l’université de Swansea réaffirme la viabilité du projet. Le gouvernement du Pays de Galles pourrait lui permettre de sortir de l’eau.

Des vagues, de la chaleur et du sel

D’autres technologies sont à des stades moins avancés, voire exploratoires. C’est le cas de l’énergie osmotique. Le principe est d’utiliser la différence de salinité entre eau douce et eau de mer. Ce mélange, chaque jour à l’œuvre dans les estuaires, libère de l’énergie. La récupérer est ce sur quoi travaillent chercheurs et d’industriels français, car son potentiel est gigantesque. Autre voie étudiée, l’énergie thermique. Cette fois, il s’agit d’exploiter la différence de températures entre une eau des profondeurs à 5° et une eau chaude de surface à 25°. Adaptée aux zones tropicales, cette technologie est en test avec un prototype installé à la Réunion. Plus avancée enfin est l’énergie des vagues et de la houle. Si la filière est à l’arrêt en France, l’Australie est pionnière. La première centrale à vague alimentant un réseau est en service depuis 2015.

Et vous qu’en pensez-vous ?

Quelle énergie marine accélèrera la transition énergétique ? À cette question, vous avez été 47 à répondre. L’énergique attrait de la mer d’août à produit ses effets. Quand bien même, le vent l’emporte ! La moitié de des votants se prononce en faveur des éoliennes (posées ou flottantes). Logique, c’est la filière la plus avancée et celle dont les coûts sont à ce jour les plus bas. Les technologies hydroliennes, marémotrices inclues, suivent. Un quart de ceux qui ont répondu plaident en leur faveur. Récemment sous le feu des médias, l’intérêt pour ces solutions se voit confirmé. Plus surprenant est le nombre de votes en faveur de l’énergie houlomotrice : 17 %. Preuve qu’une filière française ferait sens pour certains de nos lecteurs. Enfin, la thermique des mers et l’osmotique recueillent à elles deux 8 % des votes. La confidentialité et le caractère expérimental de leur développement expliquent sans doute ce résultat.

Gisements inexploités

Avec le deuxième domaine océanique au monde, la France n’est pas à la hauteur des potentialités offertes par les énergies marines. Les ambitions politiques affichées ces dernières années sont pour l’heure enterrées sous le sable. À ce jour, si l’on excepte le barrage de la Rance (voulu par le général de Gaulle), aucun kilowattheure n’est produit par les ressources maritimes. Certes, de récentes décisions sur l’éolien offshore vont permettre de rattraper quelque peu le retard sur les objectifs à court terme. Mais au-delà ? Il faudra, à coup sûr, poursuivre dans la voie du volontarisme politique. Gageons que la première version de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), attendue d’ici le mois septembre, apparaisse comme le phare des énergies marines.

Cyrille Arnoux, responsable éditorial web

 

[1] Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

[2] Énergies renouvelables

[3] Projet de réacteur nucléaire de troisième génération

[4] Ex DCNS (société détenue à plus de 62% par l’État français)