Marier agriculture et énergie solaire, c’est possible. Par un partage intelligent de la lumière, l’agrivoltaïque permet de répondre à plusieurs défis : les effets du changement climatique sur les cultures agricoles et les conflits d’usage sur le foncier. Éclairage !
L’idée a germé en 1982[1], alors que le premier parc solaire voyait le jour en Californie. L’essor du photovoltaïque rencontre des limitations d’implantations. Soumise à des normes strictes, la construction des centrales ne doit pas se faire sur des terrains agricoles. Au mieux, le foncier doit intégrer une mixité d’usage (agropastoralisme par exemple). C’est notamment pour répondre aux enjeux des conflits d’usage des sols que des programmes de recherche sur l’agrivoltaïque ont émergé.
Solution d’avenir ?
En France, voilà près de dix ans que chercheurs de l’INRA[2] et industriels de Sun’R développent des solutions innovantes autour de l’agrivoltaïque. Nom de code du programme : Sun’Agri. Les systèmes mis en place s’inspirent des cultures en étages (plusieurs espèces sont cultivées sur différents niveaux). Dans l’agrivoltaïque, l’étage supérieur est celui qu’occupent les panneaux solaires. Les travaux de recherche ont démontré qu’il était possible d’obtenir des rendements agricoles équivalents, voire supérieurs à ceux en plein champ, avec des systèmes de persiennes contrôlant les moments d’ombrage. Ces solutions innovantes, notamment par le pilotage dynamique des panneaux solaires, le gouvernement a décidé de les soutenir en augmentant de 30 % les volumes des appels d’offres pour l’agrivoltaïsme [3].
Coup de chaud à venir
Réduire l’apport de la luminosité peut aussi servir à lutter contre les effets des changements climatiques sur les cultures. Car si les températures excessives altèrent déjà les productions, d’ici la fin du siècle les simulations sont inquiétantes. Sous l’effet du stress hydrique, thermique et de cycles de maturation plus courts, les rendements pourraient chuter de 35 %[4] pour le vignoble méditerranéen. Il faut donc développer des solutions qui introduisent de profonds changements dans les pratiques pour une meilleure adaptabilité aux effets climatiques déjà à l’œuvre.
De la dynamique !
C’est le pari fait par un viticulteur des Pyrénées-Orientales. À Tresserre, cinq hectares du domaine de Nidolères font l’objet d’une expérience unique au monde. En application du programme Sun’Agri, les panneaux solaires sont mobiles et pilotés à distance par des algorithmes conçus par Sun’R. L’objectif est d’accompagner au mieux la maturité des grains, conserver leurs arômes, éviter qu’ils ne soient brulés par le soleil et obtenir in fine des vins de meilleure qualité. La production énergétique passe au second plan, le « bien-être » et la production des plantes sont privilégiés. Une solution que Sun’R souhaite également appliquer aux serres photovoltaïques dont l’ombrage serait piloté à chaque instant par des panneaux mobiles.
Effet de serre
Les serres photovoltaïques, c’est l’autre solution permettant de concilier production énergétique et rendements agricoles. En jouant sur l’apport de luminosité, les panneaux solaires permettent d’optimiser le développement de certaines plantes, de diminuer la consommation d’eau tout en produisant de l’énergie. Plusieurs types de serres ont été développés en France depuis le début des années 2 000. Le concept d’Agriénergie® d’Akuo Energy en est une illustration. Les serres récemment développées par Tenergie le sont aussi. L’une d’elles, déjà construite à Mallemort dans les Bouches-du-Rhône, a permis une première récolte de 38 tonnes de courgettes jaunes cet été. Des études et suivis agronomiques réalisés par un organisme indépendant sont toujours en cours pour en mesurer finement les résultats. C’est d’ailleurs ce qu’impose le cahier des charges des appels d’offres de la CRE[5] sur les technologies solaires innovantes. Autre obligation : la présence de zones agricoles témoin, cultivées de la même façon, mais sans panneaux photovoltaïques pour un suivi comparatif. Des conditions à même d’éviter les effets d’aubaine et la construction de serres photovoltaïques… qui resteraient sans cultures.
Cyrille Arnoux, responsable éditorial web
[1] A. GOETZBERGER et A. ZASTROW, On the Coexistence of Solar-Energy Conversion and Plant Cultivation, International Journal of Solar Energy, vol. 1, no 1, 1er janvier 1982, p. 55–69
[2] Institut national pour la recherche agronomique
[3] Plan gouvernemental « Place Au Soleil », juin 2018
[4] Boutin F, Payan JC, 2012, Viticulture et changement climatique : adaptation du vignoble méditerranéen. Innovations Agronomiques 25, p. 193-203
[5] Commission de Régulation de l’Énergie
Crédit photo : Sun’Agri